La domestication

Pendant des millénaires, les Hommes se sont contentés d'exploiter les ressources naturelles, animales comme végétales. Pour s'alimenter, ils suivaient les cycles de ces populations. Au Néolithique, les hommes se sont sédentarisés ce qui a modifié leurs rapports aux populations sauvages : l'agriculture et l'élevage sont devenus plus rentables que la chasse, la cueillette et la pêche.
Ainsi, les hommes ont mis en œuvre des pratiques ancêtres de l'agriculture, sélectionnant les populations animales sur certains caractères génétiques comportementaux et morphologiques.
Avec la naissance de l'agriculture et de l'élevage, l'homme s'est donc peu à peu approprié une partie de la biodiversité naturelle pour créer de nouvelles formes vivantes domestiquées.

Les races françaises

A l'origine, le bétail est principalement élevé comme auxiliaire de l'agriculture pour sa force de travail et son fumier.
Cependant, dès la fin du 18ème siècle, du fait de la diversité des régions françaises et du peu d'échanges qui existaient alors entre ces régions, on assiste à la constitution de populations locales adaptées aux conditions écologiques de chaque zone, qui évoluent sans trop se mélanger et en conservant les caractères morphologiques de la population d'origine.
La définition de la race, donnée par la Loi d'Orientation Agricole, est « un ensemble d'animaux qui a suffisamment de points en commun pour pouvoir être considéré comme homogène par un ou plusieurs groupes d'éleveurs qui sont d'accord sur l'organisation du renouvellement des reproducteurs et des échanges induits, y compris au niveau international »1.
Pour autant, la race est une notion complexe, en constante évolution, difficile pour cela à appréhender : elle recouvre des facteurs très divers tels qu'hérédité (généalogie), morphologie, aptitudes, utilisations, relations avec l'environnement, ou d'autres aspects très vastes : biologiques, historiques et évolutifs, socio-économiques et culturels, politiques, esthétiques, affectifs, symboliques... Pour ne rien arranger, chaque discipline et chaque acteur concerné privilégie l'aspect qui l'intéresse en oubliant les autres. C'est pourquoi la notion de race peut être vue comme le produit d'un système social, résultant de la combinaison de différents facteurs. Si au départ le milieu était dominant, la technique a permis de s'en affranchir, et l'économie a gagné du terrain. Il faut produire pour une filière, un marché afin que l'éleveur soit rémunéré. Or la sélection prend du temps, même si l'évolution des techniques a permis d'accélérer l'évolution des orientations d'une race. La race animale est donc au cœur non seulement d'un système de production mais aussi d'une organisation socio-économique plus ou moins vaste, fonction de son rayonnement.

 


1. Art. D.653-9 du décret n°2006-1662 du 21 décembre 2006 relatif à l'identification et à l'amélioration génétique des animaux, pris en application de l'article 93 de la loi d'orientation agricole

Les races : composantes essentielles du patrimoine national

Les races que nous exploitons résultent d'une longue adaptation des cheptels aux conditions de production de chaque région, ainsi que d'un patient travail de sélection mené par des générations d'éleveurs, aujourd'hui épaulés par des organismes spécialisés. C'est ainsi que la grande majorité des races portent le nom de la province, voire de la ville, qui les a vues progressivement s'identifier et se développer : Abondance, Aubrac, Bazadais, Blonde d'Aquitaine, ... chez les bovins ; Avranchin, Berrichon, Boulonnais, Causses du Lot, ... chez les ovins ; Ardennais, Auxois, Boulonnais, ... chez les chevaux ; ...

 

La France a la chance, en raison de sa diversité géographique, d'avoir été le berceau d'un nombre très important de races ; elle a aussi eu la sagesse, malgré les évolutions de ces dernières décennies, de les conserver à peu près toutes. Bien sûr, aujourd'hui, les effectifs de chacune d'elles sont très différents et s'étagent de quelques dizaines de sujets dans le cas des races en conservation (on fait alors très attention à ne conserver que des individus génétiquement aussi variés que possible) à plusieurs milliers, dizaines de milliers, voire centaines de milliers de têtes (et plus encore parfois) dans le cas des races faisant l'objet d'une exploitation commerciale.

 

Les races, avec leur diversité, leurs qualités, leur dynamisme, ... représentent une composante essentielle du patrimoine national, et pas seulement de son patrimoine agricole, tant les objectifs poursuivis par chacune d'elles peuvent aujourd'hui, dans le cadre de la diversification, devenir fort variés. Si le lait, la viande, la laine, ... restent les produits les plus courants, d'autres produits apparaissent progressivement : l'animal peut être de compagnie, il trouve sa place dans les activités pédagogiques et touristiques, il sait être écologique ...

Races , filières et territoires

La France dispose d'une gamme de races extrêmement vaste :

  • certaines, en raison souvent de leur grande productivité et de leur bonne adaptation, se sont développées dans un grand nombre de régions : les prototypes en sont la Prim'Holstein ou la Montbéliarde, la Charolaise ou la Limousine. En raison de leur haut niveau de production, et du prix de revient modéré des produits fournis, ces races fournissent les grandes filières de produits qui alimentent tant le marché national que l'exportation ;
  • d'autres, en général moins spécialisées mais souvent plus rustiques, se développent dans les régions plus difficiles : là, elles trouvent leur place dans le cadre de systèmes d'élevage spécifiques (la transhumance en est un exemple) en vue de la fourniture de produits déterminés (les fromages AOC en sont une bonne illustration). Les races correspondantes sont ainsi associées aux territoires dont elles valorisent la production herbagère, production qui est souvent la seule possible.

Les races animales sont ainsi résolument associées, d'une part, à la politique d'aménagement du territoire, d'autre part, aux questions d'organisation des filières de production. Ce sont leurs caractéristiques de production, leurs capacités d'adaptation, les systèmes d'élevage mis en œuvre par leurs éleveurs qui permettent cette remarquable adaptation du cheptel national à la diversité de nos régions.

La race : premier signe de qualité d'un produit

Les races, en raison à la fois de leur adaptation progressive à des systèmes bien précis de production et de la sélection dont elles ont fait l'objet, possèdent chacune des aptitudes qui leur sont propres : dans certaines races le lait est plus riche en matières protéiques et est plus «fromager», en raison de son meilleur rapport protéines/gras ; de même, la finesse des fibres musculaires et l'aptitude au persillé, qui font la qualité d'un morceau de viande, sont aussi sensiblement différentes d'une race à l'autre !

 

Ces différences tiennent tant à la race qu'à son système d'élevage. Elles ont pour conséquence des rendements fromagers ou de carcasse différents ainsi que des différences gustatives. Ainsi, dans beaucoup de situations, cette association race-système d'élevage forme un tout, et conduit à la fourniture de produits présentant, d'une race à l'autre, des caractéristiques particulières. C'est la raison qui fait que, de plus en plus, dans le cadre du développement de productions de qualité, on trouve une association entre la race, c'est-à-dire le type génétique des animaux, le système d'élevage mis en œuvre, et les produits fournis. Le slogan RACE - PRODUIT - TERRITOIRE résume bien ce constat : la génétique qui est en amont est le premier signe de qualité du produit d'aval. La notion de traçabilité aujourd'hui très en vogue, qui relie l'animal producteur au consommateur en passant par toute la chaîne de transformation et de distribution, part ainsi de l'animal, c'est-à-dire de la génétique.

Les races françaises, ambassadrices de « qualité France »

La réputation internationale des races françaises est ancienne et il y a fort longtemps que certaines de nos races sont implantées à l'étranger. Ce mouvement d'exportation a pris une ampleur croissante depuis quelques décennies, qu'il s'agisse des races de chevaux de sport (toutes races) ou de trait (Percheron, Breton, Comtois,...), des races bovines à viande (Charolaise, Limousine, Blonde d'Aquitaine, ...), des races ovines allaitantes (Mérinos Précoce, Ile de France, Charollais, ...), de la volaille (les diverses souches de l'Institut de Sélection Animale), ... Plus récemment, c'est notre génétique laitière (Prim'Holstein, Montbéliarde, ... chez les bovins, Lacaune chez les ovins) et les races porcines qui sont venues se joindre au mouvement.

 

Ainsi, à l'heure actuelle, les races françaises sont présentes sur les 5 continents, dans la majorité des pays où les conditions climatiques en permettent l'élevage. D'ailleurs, plus de 20 races ont à ce jour constitué des Fédérations internationales pour échanger entre pays concernés par les mêmes races, nos races, toutes les informations utiles à leur développement. Les relations bilatérales des associations permettent des échanges techniques mais aussi créent dans certains cas les conditions permettant de lever les verrous à l'exportation.

 

Au plan commercial, nos exportations de matériel génétique (reproducteurs, semences, embryons, ...) représentent aujourd'hui un chiffre d'affaires supérieur à 70 millions d'Euros. Le matériel exporté fait partie de l'élite du cheptel français ; les gènes qui chaque année émigrent ainsi sur les 5 continents sont donc de véritables ambassadeurs de «Qualité-France », et nous pouvons nous réjouir de la contribution ainsi apportée par notre pays à l'amélioration des productions animales dans le Monde.

Du Livre Généalogique à l'Organisme de Sélection (via l'UPRA)

Les Livres Généalogiques (associations d'éleveurs) ont été fondés il y a plus d'un siècle pour enregistrer la généalogie des animaux (d'abord de boucherie, puis de reproduction) et aider les éleveurs dans leur travail de sélection.

 

A la fin des années 1960, par les dispositions de la Loi sur l'Elevage, ces associations ont été transformées en UPRA, Unités Nationales de Sélection et de Promotion de Race, parlements de la race rassemblant les opérateurs de la génétique : création (éleveurs sélectionneurs, centres de production de semence), diffusion (coopératives d'insémination, opérateurs commercialisant les reproducteurs) et utilisation (partenaires de l'aval des filières).

 

Au début du 21ème siècle, partant des fondations de cette loi sur l'élevage qui ont permis à l'élevage français de devenir l'un des plus performants au monde, une réforme a été engagée par la loi d'orientation agricole « afin d'adapter le dispositif aux évolutions économiques, sociales et réglementaires, tant sur le plan interne que sur le plan international ».
L'UPRA a alors évolué en Organisme de Sélection, « (...)chargé de la définition et de l'animation du programme d'amélioration génétique d'une ou plusieurs races, dont il sera en quelque sorte le parlement. (...) Leur mission de gestion des livres généalogiques ou des registres zootechniques est maintenue. En outre, ces organismes de sélection seront désormais soumis à un régime d'agrément renouvelé (...). Cet agrément permettra à l'Etat d'orienter la politique de l'élevage sur le long terme afin, notamment, de garantir l'indépendance alimentaire de la nation ainsi que la gestion patrimoniale des ressources zoogénétiques, en lien avec la Convention sur la diversité biologique (CDB), ou encore avec les travaux de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). »
(extrait du rapport au Président de la République relatif à l'amélioration génétique des animaux d'élevage)

Pourquoi une telle organisation ?

La complexité des filières animales rend difficile la conduite d'un programme de sélection au sein d'une race. Bien souvent même, les opérateurs concernés sont concurrents dans les opérations qu'ils conduisent. C'est pour cette raison que l'État et la Profession ont souhaité préserver dans chaque race, un espace de concertation, un parlement rassemblent les acteurs d'une filière raciale (éleveurs, opérateurs, utilisateurs filière comme territoire), partenaires œuvrant dans l'intérêt général de la race, pour :

  • Tenir le Livre Généalogique, en définissant les caractéristiques de la race qui permettront l'affectation déductive du code race et la confirmation du type racial pour les filières qualité. Ils définiront les modèles de documents accompagnant le matériel génétique et délivreront les documents officiels des reproducteurs
  • Définir les orientations de sélection de la race (caractères, pondérations, niveaux de qualification) en conciliant les intérêts de l'ensemble des partenaires par la concertation et en veillant aux modalités de gestion de la variabilité génétique intra-raciale et à l'adaptation de la race aux systèmes d'élevage comme aux attentes des filières
  • Assurer l'ingénierie de la morphologie raciale (choix des postes à pointer, responsabilité de la formation et de l'habilitation des agents du pointage) et la bonne organisation de la collecte de ces informations
  • Enfin, représenter la race de façon institutionnelle
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